Bérangère de Clerck, ambassadrice du zéro déchet joyeux !
A Rennes, dans la dynamique et centrale rue d’Antrain, se niche une jolie épicerie zéro déchet, 100% joyeuse et vertueuse, tenue par Bérangère de Clerck et son équipe de choc. Rencontre avec cette jeune femme engagée et pleine d’entrain, reconvertie dans ce beau métier de contact, au service d’un mode de vie plus écoresponsable.
Qui es-tu Bérangère, quel est ton parcours ?
J’ai 28 ans et je suis auvergnate. J’ai toujours vécu à Clermont-Ferrand, avant d’arriver à Rennes pour mon ancien travail. A la base, je suis scientifique, j’ai travaillé 8 ans pour les industries pharmaceutiques, à Paris chez Servier et chez Sanofi, puis je suis arrivée à Rennes il y a 7 ans pour travailler dans une entreprise qui sous-traite pour les industries pharmaceutiques. Et en juin 2020, j’ai complètement changé de voie, quitté mon ancien boulot de technicienne de laboratoire pour me lancer dans cette épicerie Mamie Mesure, rue d’Antrain à Rennes !
A l’époque, comment t’es-tu tournée vers une carrière scientifique ?
A la base, j’ai suivi le cursus classique de « je fais un bac S, je fais des études, j’enchaîne ». J’ai toujours été passionnée par le vivant de manière générale et tout ce qui était biologie. Ça m’a forcément un peu orientée vers le scientifique, le médical, et c’est comme ça que je me suis retrouvée dans le milieu pharmaceutique, après un IUT en analyse biologique et biochimique, et une licence professionnelle spécialisée dans le développement du médicament en alternance chez Sanofi. Tout s’est enchaîné !
“Je n’arrêtais pas de dire en rigolant que j’allais tout plaquer pour vendre des graines et au final… c’est ce que j’ai fait ! “
Pourquoi ce changement de vie ? Comment cette idée t’est-elle venue à l’esprit ?
En fait, il m’est arrivé un truc pas très rigolo, j’ai eu un accident de moto il y a maintenant 4 ans, et j’ai été immobilisée pendant 6 mois chez moi. Ça m’a complètement fait remettre en question toute ma vie, tous mes choix professionnels. Et surtout, je me suis rendue compte de la crise écologique dans laquelle on se trouvait. Avec mon chéri, on s’est d’abord mis à faire du zéro déchet à la maison, de manière un peu extrémiste d’ailleurs au début car c’était un peu le seul truc sur lequel je pouvais me focaliser comme je ne pouvais rien faire d’autre…
Et en fait, au fur et à mesure, quand j’ai repris le travail et que l’on continuait à consommer zéro déchet, je me suis rendue compte que j’avais envie de changer de vie, de métier. J’avais envie de rendre le zéro déchet plus accessible parce qu’à Rennes on n’avait pas beaucoup de choix à l’époque et je trouvais que ça manquait. Je n’arrêtais pas de dire en rigolant que j’allais tout plaquer pour vendre des graines et au final… c’est ce que j’ai fait !
Qu’est-ce que ce nouveau métier a changé pour toi ?
Me lancer dans ce projet avec le réseau Mamie Mesure, ça m’a permis de mettre au service des autres ce que j’avais développé dans mon quotidien personnel. Et puis, après, c’est sûr que quand on devient gérante d’un magasin, ça change tout par rapport à une vie de salariée, ça a changé ma perception du travail. Dans mon ancien métier, j’avais toujours été en manque du lien social qu’on peut avoir en tant que commerçant. J’étais derrière mes microscopes, je ne voyais personne à part mon équipe.
Cette nouvelle vie m’a vraiment permis d’épanouir un côté de ma personnalité que je n’avais jamais pu épanouir avant. J’aime aussi le côté créatif, nécessaire quand on est chef d’entreprise, on doit penser réseaux sociaux, communication, etc. Et puis, se lever le matin et se dire qu’on travaille pour soi, ça n’a pas de prix en fait, c’est génial !
Si certaines boutiques Mamie Mesure sont davantage tournées vers la partie droguerie, tu proposes pour ta part majoritairement de l’alimentaire. Pourquoi ce choix ?
J’adore manger ! J’avais donc vraiment envie de mettre en avant l’alimentaire, de choisir de bons produits qui font plaisir à manger, et d’assurer aux clients de la qualité, de la transparence sur l’origine et les modes de production. Et puis, c’était aussi important pour moi de mettre en avant des producteurs.
Comment choisis-tu tes produits ?
Chez Mamie Mesure, on a 3 critères principaux pour choisir un produit : le local, le zéro déchet et le bio. Il faut au moins que 2 de ces critères soient pris en compte. Concrètement, aujourd’hui, 99% de mes produits sont bio. Mais par exemple, les gâteaux artisanaux ne sont pas bio, mais 100% locaux (de Chavagne) et arrivent en boîtes consignées, donc rien n’est jeté.
On fait attention à ce que nos producteurs soient dans une démarche écologique d’une manière ou d’une autre. Cela peut aussi être des producteurs qui utilisent des produits bio mais qui ne se font pas obligatoirement labelliser. Le label bio coûte très cher. Moi aussi j’ai payé un audit pour dire que l’épicerie est bio, et tous les ans j’en ai un nouveau pour vérifier que je respecte bien les critères bio.
Aujourd’hui, la bio c’est un vrai problème, car le label coûte cher aux gens qui font des efforts et finalement les gens qui n’en font pas ne payent rien. Il faudrait que ce soit l’inverse en fait.
“ Je vends un nouveau style de vie, qui favorise une juste rémunération et un accompagnement des créateurs et producteurs.”
Tu es très présente sur Instagram et organises régulièrement des événements à l’épicerie. En quoi créer du lien avec tes clients est-il important pour toi ?
Pour moi, être commerçante, ce n’est pas que vendre des choses. C’est aussi créer du lien social, échanger ensemble ; créer une espèce de « communauté » en fait.
Par exemple, pour la SERD (ndlr : Semaine Européenne de la Réduction des Déchets), j’ai organisé des ateliers dont le but n’était pas de vendre des produits, mais d’apprendre des choses aux participants et de faire ensemble.
Je pense que si on veut avoir un vrai changement dans nos habitudes et nos modes de consommation, il faut qu’on “ratisse” large, et ce n’est pas qu’en vendant des pâtes en vrac qu’on va changer le monde ! Créer des ateliers avec des acteurs du développement durable, pouvoir se mettre en lien avec des associations, c’est hyper important.
Et les gens n’ont pas forcément le temps de faire la démarche de chercher, donc si on le fait pour eux ça les aide aussi à s’investir peut-être plus dans ce genre de démarches. C’est une mission que je trouve importante dans notre métier aussi.
Comment arrives-tu à allier business et engagements sociétaux et environnementaux ?
C’est hyper compliqué parce qu’on a tous nos ambivalences, nos contradictions... Par exemple, on est en pleine période de Noël et j’ai beaucoup de mal à « surjouer » le côté Noël « venez consommer » parce que ça fait déjà des années que je ne fais presque plus aucun cadeau matériel pour Noël.
Oui, c’est compliqué d’avoir ce côté commerçant tout en ayant des valeurs très anti-consommation finalement, comme c’est mon cas. Mais en même temps il faut que je fasse tourner l’épicerie !
Pour cela, j’essaye de vendre uniquement des produits utiles et dont je suis sûre qu’ils ne finiront pas dans un placard ou à la poubelle. Et puis, encore une fois, notre objectif est de mettre en avant le travail de personnes avant tout. Au-delà de vendre des produits, je vends des vies : Simone qui me vend ses légumes, la créatrice qui vend des gants magiques, etc. Je vends un nouveau style de vie, qui favorise une juste rémunération et un accompagnement des créateurs et producteurs.
Quels conseils donnerais-tu à ceux qui veulent débuter dans le zéro déchet ? Et ceux qui veulent pousser le curseur un peu plus loin ?
Pour ceux qui débutent, je pense qu’il ne faut pas faire comme moi, vouloir être sur tous les fronts en même temps. Le risque est que cela devienne obsessionnel et c’est un coup à se dégoûter. Je pense qu’il faut y aller vraiment progressivement, prendre le temps de faire étape par étape, pour ne pas paniquer en voyant qu’on a trop de choses à changer.
Pour des gens déjà aguerris et qui ont envie d’aller encore plus loin, ne pas hésiter à échanger, sur des groupes Facebook, des forums, Instagram, essayer de rencontrer des gens qui ont les mêmes problématiques que nous et qui peuvent essayer de nous aider. Après, si on veut vraiment progresser sur le côté écologie, il faut forcément renoncer à certaines choses, certains produits. Et c’est ça aussi qui n’est pas facile en cuisine, car quand on a envie de faire une recette, on a tendance à vouloir faire sans prendre en compte la saison, et je pense qu’il faut vraiment arriver à cuisiner en fonction de la saison… Je dis ça, mais il y a 4 ans, je mangeais des courgettes en plein hiver et ça ne me choquait pas du tout ! Personne n’est parfait !
Aurais-tu une recette fétiche anti-gaspi à nous transmettre ?
Parfois, à la fin de la semaine, il nous reste des galettes de sarrasin et je fais des lasagnes à la sauce tomate ou à la béchamel avec épinards et champignons, ça marche super bien ! Tu peux aussi t’en servir pour faire un fonds de pâte.
Et puis sinon, la recette anti-gaspi favorite de tout le monde, je pense que c’est la soupe. Dès qu’on a des légumes un peu moches et qu’on ne peut plus vendre, on en fait de la soupe ! C’est une recette anti-gaspi assez facile !